Combien de fois ai-je pu entendre cette phrase de la part des professionnels de santé et du bien-être… « Je sens bien que je suis en burnout mais ça va aller »… Avec cette difficulté à lâcher prise et à accepter qu’en tant que soignant, qu’on puisse être en burn out… Une forme de tabou existe bel et bien…derrière se profile un sentiment de honte et de culpabilité… « Quand même en tant que professionnel de santé, je suis censé m’occuper des autres, je ne peux pas me dire que je n’y arrive plus pour moi-même »… Je repense encore à tous ces professionnels infirmiers, médecins, parfois kiné me dire « cela fait 20 ans, 30 ans que je fais cela, j’ai toujours tout encaissé, j’ai toujours été forte… Alors pourquoi aujourd’hui, ça n’irait plus ? » Du coup, ils continuent à résister tout en continuant à s’épuiser…
Ce que je constate dans mon cabinet c’est que ces professionnels veulent continuer à fonctionner sur le même rythme mais pouvoir quand même récupérer leur énergie avec le travail de thérapie, sauf qu’à un moment donné, ce n’est plus possible… Le mental résiste, mais c’est souvent le corps qui finit par exprimer qu’il n’en peut plus…Cela se manifeste par des angoisses, une douleur dans la poitrine, une augmentation du rythme cardiaque et bien d’autres symptômes souvent physiques…
Mais d’où vient le burn out ? Quelle est son histoire ?
Le syndrome d’épuisement professionnel ou burn out est un syndrome d’épuisement qui fait partie des risques psychosociaux professionnels, consécutif à l’exposition, à un stress permanent et prolongé.
Le terme burn out est apparu au EU dans les années 70, signifie littéralement « bruler de l’intérieur », il évoque la surchauffe avec risque de casse comme en aéronautique, lorsqu’une fusée a épuise son carburant.
Burnout medecinC’est vraiment ce que je ressens quand j’accueille ces professionnels de santé et du bien-être, ils se sont éteints par petit feu, sans s’en rendre compte, pensant qu’ils avaient toujours de la ressource…Mais l’épuisement professionnel est insidieux, il nous crame petit à petit pour tout à coup nous mettre par terre et ne plus pouvoir se relever.
Pour ces premiers observateurs, le syndrome d’épuisement professionnel vise principalement les personnes dont l’activité professionnelle implique un engagement relationnel important, comme les travailleurs sociaux, les professions médicales, les enseignants.
Très souvent en tant que professionnel de santé et du bien-être, nous avons tendance à négliger ce burn-out, en lien avec le fait qu’ils nous aient difficile de nous dire que cela peut nous arriver et surtout en lien avec nos croyances nos valeurs puisque « on est là pour les autres » pas pour nous…
Chez la plupart des professionnels de santé, ce sont des personnes qui sont surinvestis dans leur travail, qui ont un gout prononcé de vouloir toujours bien faire, toujours plus, elles ont tendance à être perfectionniste…
Le perfectionnisme trop rigide peut être néfaste. Il peut être repéré dans des croyances telles que « tout doit être parfait », « je ne dois pas me reposer tant que je n’ai pas fini ». Ces croyances sont devenues des règles de vie pour la personne, comme une vérité.
La définition du burn out
« Le burnout est caractérisé par un épuisement physique, par des sentiments d’impuissance et de désespoir, par un assèchement émotionnel et par le développement du concept de soi négatif, et d’attitudes négatives envers le travail, la vie et les autres personnes ».
« Le burnout est une réponse au stress émotionnel chronique avec trois dimensions :
. L’épuisement émotionnel ou physique
. La diminution de la productivité
. La dépersonnalisation ».
En 2020, 50% des professionnels de santé interrogés disent être en burn out et éprouvent un sentiment d’épuisement physique, physique, émotionnel ou mental.
Syndrome Tridimensionnel
Dans le modèle de Maslach et Leiter (1997, 2008), qui domine toute la littérature, le burn-out est un syndrome tridimensionnel , résultant d’un stress cumulatif et associant constamment :
– La première, la plus centrale, l’épuisement émotionnel, psychique et physique correspond à l’assèchement des ressources, à la perte de motivation. La personne a le sentiment d’être totalement vidé de ses ressources. Les temps de repos habituels (sommeil, week-end, congés, etc.) ne suffisent plus à soulager cette fatigue qui devient alors chronique.
– La seconde, la dépersonnalisation ou cynisme vis-à-vis du travail, renvoie aux attitudes distantes, négatives vis-à-vis de son travail et des personnes (collègues, encadrement, patients, etc.). Progressivement il se désengage de son travail, de la structure dans laquelle il évolue. Une barrière entre lui et les autres s’érige.
Il « déshumanise » inconsciemment les autres en mettant son entourage à distance.
– Une troisième dimension fut définit ensuite : c’est l’accomplissement personnel, il correspond au manque de sentiment de reconnaissance et à un désinvestissement dans son travail.
Les facteurs déclencheurs du burn out caractéristique chez les professionnels de santé et du bien être
Dans le cadre de ma pratique j’ai pu faire le constat de différents facteurs de l’épuisement professionnel qui sont caractéristiques chez les soignants :
. La perte de sens dans le travail et dans la mission que le soignant s’était donné au départ.
En effet, je remarque de plus en plus que les professionnels de santé ressentent un décalage entre leurs valeurs personnelles et la réalité de leurs métiers. Cela peut être les enjeux de rentabilité dans le cadre du milieu institutionnelle, cela peut être la lourdeur administrative qui prend l’espace sur le soin, les incivilités de certains patients tel que l’agressivité, les conflits…
. Le manque de reconnaissance. Très souvent, les professionnels de santé surinvestissent leur travail, ils se donnent corps et âme. Combien de fois ai-je entendu des infirmières me dirent qu’elles sont repassés voir une personne âgée pour lui donner à manger et lui faire ses courses par empathie ? Et combien de fois je les ai entendus m’exprimer le fait que certains patients sont sans cesse dans la plainte et dans la non reconnaissance malgré leur dévouement ? Les conséquences sont souvent désastreuses à long terme sur l’estime de soi du professionnel.
. Des rôles multiples, des responsabilités de plus en plus lourdes à portée avec un parfois un manque de clarté sur les missions de chacun.
En tant que professionnel de santé, notamment en libéral, on peut avoir des rôles multiples : savoir démarcher et se faire connaitre, apprendre à mieux communiquer, accompagner des patients difficiles, savoir gérer l’agressivité de certaines personnes, savoir-faire sa compatibilité et son administratif. Qu’on soit médecin, kiné, infirmier ou psychologue,… on est amené à devoir s’adapter en permanence ce qui demande beaucoup d’énergie et on peut vite se sentir débordé par toutes les tâches à entreprendre.
En institution, par manque de personnel, les rôles sont souvent mal définis, l’infirmier se retrouve face à certaines responsabilités qui ne lui incombent pas toujours. De même que les aides soignant(e)s. Ce qui a pour conséquence une perte de contrôle, un sentiment d’impuissance et de stress.
Comment repérer qu’en tant que professionnel de santé et du bien-être que nous sommes en burn out ?
Quelles sont les différentes phases de l’épuisement professionnel ?
On distingue quatre phases dans le burn-out :
. la phase d’alarme ou d’engagement, qui est une manifestation du stress ; La personne qui « fonctionne » normalement dans son travail, elle peut avoir du stress mais elle est en capacité de se réguler facilement. Le professionnel de santé prend du plaisir dans son travail, il ne sera pas obsédé par les difficultés au travail. Il arrive à « lâcher prise » une fois la journée terminée. Le sommeil et l’appétit restent bons et la fatigue éventuelle est ponctuelle et peut être comblée par une bonne nuit de repos.
. la phase de résistance ou de surengagement, durant laquelle le métabolisme s’adapte aux sensations de stress, le corps devient plus résistant ; les premiers symptômes d’épuisement sont des préoccupations constantes relatives au travail, les idées sont accélérées et la personne fait des étourderies. Les émotions sont moins bien régulées. La satisfaction et la motivation reste présente mais l’anxiété prend du terrain sur les différentes sphères, ce qui a pour conséquence des troubles du sommeil ; des troubles digestifs, des douleurs corporelles…
. la phase de rupture ou acharnement frénétique, qui enclenche la réapparition des réactions caractéristiques au stress de la phase d’alarme ; L’anxiété devient majeure et généralisée amenant à une forme de chronicité des symptômes et une forte aggravation : trouble du sommeil, trouble de l’appétit, déficit cognitif (sentiment d’être inefficace, de ne pas être un bon soignant). Les oublis deviennent fréquents et la personne aura du mal à s’organiser. L’humeur devient excessivement variable. Les peurs et angoisses sont constamment présentes. Des addictions peuvent s’aggraver ou faire leur apparition. Les maux divers sont nombreux et s’accentuent. A ce stade, la personne commence généralement à consulter des professionnels de santé. Il est possible que les premiers arrêts de travail soient prescrits. La personne qui consulte à ce stade aura une demande peu définie.
. la phase d’épuisement ou d’effondrement, qui se traduit par une perte des défenses psychologiques et une angoisse constante. L’épuisement est émotionnel, physique et psychique. A ce stade, la personne n’a plus d’estime de soi. Elle se sent désormais complètement incompétente, doutant excessivement de ses capacités à effectuer le travail qui lui a été confié. A ce stade, la personne a des troubles de mémoire et une perte de repères. Les émotions sont émoussées, une froideur s’installe. La personne a tendance à s’isoler. Il peut y avoir une accélération de manière compulsive des addictions avec des passages à l’acte tellement la personne est en grande souffrance. Des pathologies organiques peuvent faire leur apparition. A ce stade, il n’est pas possible pour la personne de fonctionner, ainsi un arrêt de travail prolongé sera indispensable.
Comment éviter le burn out ? Des solutions ?
Comme nous avons pu le voir, il existe différentes phases du burn out et différents facteurs, ce qui a amène à un accompagnement spécifique pour chacune des personnes. On ne va pas avoir la même action si on a quelques signes de burn out ou si on est en phase d’épuisement. L’intérêt d’avoir une meilleure connaissance du burn out, des symptômes et des étapes permettent aux professionnels de repérer où il en est.
Toutefois, pour moi-même avoir vécu des signes de burn out, il existe quatre règles essentielles et communes pour tous les soignants :
. 1er règle : dormir, se reposer, prendre des pauses
Selon la sévérité du syndrome, un arrêt maladie de plusieurs semaines à plusieurs mois sera prescrit par le médecin traitant, ce qui est parfois difficile à accepter en tant que soignant. Pourtant, une fois que le professionnel en fait l’expérience, il se rend compte compte de la nécessité à apprendre à s’arrêter, à ralentir le rythme. Ce repos absolu va permettre à la personne de mettre en jachère son esprit et son corps, ce qui est indispensable pour l’aider à prendre du recul et reprendre pied.
Il s’agit d’un temps de reconstruction donc les activités de relaxation, de bien-être ou sportives sont fortement recommandées. L’importance de se reconnecter à soi-même et d’être sur un autre rythme. L’importance de faire des pauses et de prendre conscience de sa respiration.
. 2eme règle : prendre soin de son corps
Après un burnout, il est indispensable de se reconnecter avec son corps pour prendre conscience de son niveau de fatigue et d’énergie. En effet, à force de cette surcharge mentale, de cette exigence, les professionnels de santé en oublient de faire respirer leur organisme. D’où l’importance, pendant cette phase de reconstruction de reprendre le sport, de prendre soin de soi, d’aller au hammam ou en balnéothérapie, de faire la sieste, de se faire masser… L’idée est donc d’apprendre à écouter votre rythme, vos besoins et d’écouter ce que votre corps vous dit. Les réactions physiques restent un bon indicateur de notre état général.
. 3ème règle : reconquérir son identité personnelle
A force de se donner à fond dans le travail, j’ai souvent remarqué que les soignants en oublient la vie qu’ils ont à côté : femme/mari, famille, amis. Ce n’est pas tant qu’ils ne veulent pas les voir, mais ils n’ont tout simplement “pas le temps”.
Cette période d’arrêt de travail va ainsi leur permettre de réinvestir ces domaines de leur vie, de reconstruire une identité parentale, familiale, sociale et de réintégrer le fait qu’il existe autre chose que le travail.
Cette période d’arrêt est également une étape de réflexion sur le sens que chacun souhaite donner à sa vie en général et à sa vie professionnelle en particulier et sur ce qui est important à ses yeux. C’est sur cette base qu’un nouveau projet professionnel pourra se construire. Ainsi, au travers de ce questionnement, le professionnel pourra prioriser ce qui est essentiel et de pouvoir clarifier ce qu’il souhaite.
. 4ème règle : Osez dire et osez demander de l’aide
En tant que soignants, qu’on soit kiné, médecin, sage-femme, thérapeute, psychologue…, j’ai souvent remarqué que nous avons du mal à dire que nous sommes en difficulté en lien avec nos croyances ou par peur du jugement. Un sentiment de honte peut également apparaitre. Toutefois, il est important de se rappeler que nous ne sommes pas seuls, que ce soit au niveau personnel ou professionnel. Très souvent j’ai fait l’expérience auprès de mes accompagnements, que le professionnel perd pied avec les réalités, portant souvent seul la charge et le poids de ce qu’on a à faire, sans réaliser que notre entourage ne s’en rend peut-être pas compte.
Une prise en charge en psychothérapie par un professionnel va permettre à la personne de comprendre la dégradation de sa situation de travail et à mettre du sens sur ce qui s’est passé. Cette étape de compréhension est indispensable pour aider à se reconstruire. Le travail thérapeutique permet également de se mettre en action pour trouver une meilleure organisation, travailler sur sa confiance en soi ou d’autres problématiques tel que l’exigence, retrouver de l’énergie et trouver ses priorités…
Il peut également être proposé de participer à un groupe de parole centré sur le burn-out, animé par un professionnel. Il s’agit d’un espace d’expression, d’écoute et de partage qui réunit, dans un cadre bienveillant, des personnes qui se sont consumées au travail. Cet espace de parole permet à chacun de mettre des mots sur les difficultés rencontrées et sur les émotions ressenties, de donner du sens à sa souffrance et de se remettre en situation d’envisager positivement l’avenir. Cliquez ici pour en savoir plus sur l’atelier
Alors maintenant, faites le point sur vous et expérimenter de nouvelles solutions !